Le Sustainable Biomass Program (SBP) était initialement conçu et gouverné par des sociétés énergétiques ayant un intérêt à utiliser de la biomasse forestière en remplacement du charbon et du gaz. Cette année, le SBP a modifié sa structure de gouvernance pour devenir une organisation multipartite composée de groupes représentant les intérêts de la société civile, ceux des producteurs de biomasse et ceux des utilisateurs finaux. Carsten Huljus, directeur général du Sustainable Biomass Program, explique ce que ces changements impliquent pour le SBP et ce que le groupe a fait pour répondre aux inquiétudes soulevées par diverses parties prenantes à propos de la biomasse.
En 2019, le SBP a commencé à se transformer en une organisation multipartite comprenant un conseil d’administration à trois chambres, deux comités d’experts chargés d’apporter des conseils et de prendre des décisions et un groupe de conseil composé de parties prenantes. Nous arrivons à la fin de l’année 2019. Pourquoi le SBP a-t-il mis ces changements en œuvre ?
Carsten : Passer à un système de certification multipartite a toujours été une vision commune à tous les membres fondateurs du SBP.
Vers la fin de l’année 2016, il est devenu clair que le SBP était prêt à cette transition : plusieurs normes entièrement opérationnelles étaient en vigueur et l’organisation était en mesure de garantir un revenu suffisant pour couvrir ses dépenses de fonctionnement.
Le SBP a alors entrepris de choisir une structure de gouvernance multipartite adaptée au long terme et de s’orienter vers celle-ci. Cette transition est conforme aux meilleures pratiques, comme le démontrent les principales normes de durabilité, et elle convient donc au SBP.
La nouvelle structure de gouvernance rassemble des groupes de parties prenantes qui représentent les intérêts de la société civile, ceux des producteurs de biomasse et ceux des utilisateurs finaux. L’implication de plusieurs groupes d'intérêt au niveau du conseil d’administration et des comités facilite le dialogue, la prise de décision et la mise en œuvre de solutions pour atteindre des objectifs communs : elle reflète diverses perspectives plutôt qu'une vision étroite de la situation.
Comment ce changement impacte-t-il le SBP en termes de stratégie globale et d’opérations quotidiennes ? Quelles sont les réactions du public et du secteur à ce changement ?
Carsten : La stratégie globale est toujours fixée par le Conseil d’administration, comme on peut s’en douter. Mais la différence, c’est que le Conseil d’administration comprend un président indépendant et des représentants des trois groupes d'intérêt principaux : la société civile, les producteurs de biomasse et les utilisateurs finaux.
Dans le cadre de la nouvelle structure de gouvernance, nous avons également un comité chargé des normes, un comité technique et un groupe de conseil composé de parties prenantes.
Le comité chargé des normes est responsable de la prise de décisions concernant l’élaboration de normes. Il s’occupe également de communiquer ses opinions, conseils et recommandations sur le fonctionnement du SBP au Conseil d’administration, à d’autres comités du SBP et au secrétariat du SBP. Ce comité est réparti équitablement entre les intérêts de la société civile et les intérêts commerciaux.
Le rôle du comité technique est, entre autres, de proposer des recommandations au Conseil d’administration sur les fonctions techniques et scientifiques du SBP, notamment sur la certification SBP ainsi que sur les critères et les méthodes d’accréditation. Le comité regroupe des spécialistes de toutes les disciplines concernées par les normes SBP.
Pour finir, le groupe de conseil est une plateforme qui permet aux parties prenantes d’apporter leur contribution et leurs conseils pour soutenir les efforts d’élaboration, de mise en œuvre et de conservation des normes SBP et des documents qui s'y rapportent par le comité chargé des normes SBP. Ce groupe mène également d’autres activités de développement du SBP. Le passage à une gouvernance multipartite a été bien accueilli par de nombreuses parties prenantes.
Lorsqu’on s'intéresse aux membres du Conseil d’administration, on constate que des organisations internationales majeures de la société civile et de grandes organisations environnementales, comme WWF, Greenpeace ou Birdlife ne sont pas représentées. Comment le SBP instaure-t-il un dialogue avec ces ONG ?
Carsten : Le contact avec les parties prenantes est très important pour le SBP et nous utilisons divers canaux pour nouer des relations avec elles. La société civile étant représentée dans les principaux organes de direction du SBP, nous sommes convaincus que notre portée auprès des parties prenantes concernées ne fera que s’étendre.
Notre plateforme principale de contact avec les parties prenantes est notre groupe de conseil. Toute partie prenante qui souhaiterait discuter du travail du SBP peut devenir membre et participer au débat.
Outre ce groupe, nous utilisons d’autres canaux pour maintenir le lien avec les parties prenantes, notamment les newsletters, les réunions d'information SBP, les entretiens individuels, etc.
L’évolution du SBP a été motivée par les bonnes pratiques décrites dans les principales normes de durabilité, conformément aux principes de l’organisme International Social and Environmental Accreditation and Labelling (ISEAL), association mondialement reconnue pour ses normes de durabilité. Pourquoi le SBP a-t-il décidé d’aligner son programme sur ISEAL ?
Carsten : Le SBP aspire à adopter de bonnes pratiques dans toutes ses opérations.
Nous nous efforçons d’apprendre des principales normes de durabilité mondiales et il n’existe pas de meilleur point de départ que les principes de crédibilité ISEAL.
Ces derniers correspondent aux valeurs et aux concepts qui sont le plus susceptibles d’avoir un impact positif au niveau social, environnemental et économique tout en réduisant les effets négatifs des activités du secteur.
À mesure que nous adoptons les bonnes pratiques du secteur, nous veillons à intégrer les principes de crédibilité ISEAL à nos activités afin de proposer un système de certification efficace et accessible à tous les utilisateurs.
Le SBP cherchera-t-il à adhérer à ISEAL et sa conformité avec ces principes sera-t-elle contrôlée ? Quel est le calendrier prévu à cet effet ?
Carsten : Obtenir une adhésion totale à ISEAL reste un de nos objectifs. Nous y travaillons. Nous ne sommes pas en mesure de communiquer un calendrier plus précis pour le moment.
Le SBP a identifié trois priorités clés pour 2019 : lancer une révision de sa stratégie, formaliser une procédure de révision des normes et continuer ses efforts d’adoption des bonnes pratiques. Qu’est-ce que le SBP a concrètement réalisé par rapport à ces trois points ?
Carsten : Le Conseil d’administration se consacre entièrement à la révision de la stratégie du SBP et nous avons élaboré un plan de travail triennal pour soutenir cette démarche.
À la suite d'une consultation publique, nous avons publié notre procédure d’élaboration de documents en septembre. Tous les documents qui régissent la mise en place et le fonctionnement du système de certification du SBP seront rédigés conformément à cette procédure.
Nous avons revu beaucoup de nos pratiques pour garantir une cohérence à la fois avec notre modèle de gouvernance et avec les meilleures pratiques fixées par les principales normes de durabilité.
À quoi pouvons-nous nous attendre après la révision de la stratégie du SBP ?
Carsten : Cette révision a inclus l’examen de divers thèmes, notamment les matières premières, les produits, les catégories de détenteurs de certificat, les utilisateurs finaux et les relations avec les autres programmes de certification.
En encourageant le développement de chaînes d’approvisionnement de biomasse conformes à son objectif, le SBP continuera à apporter l’assurance nécessaire à l’approvisionnement des marchés existants. Nous explorerons également de nouveaux marchés où un besoin a été identifié.
Notre stratégie consistera à collecter de manière transparente et sûre des données vérifiées tout au long de la chaîne d'approvisionnement, afin de présenter une plateforme utile à la garantie et à l’innovation.
Où voyez-vous le SBP dans les cinq prochaines années ?
Carsten : Il aura atteint son but, qui est de faciliter la gestion responsable, au niveau environnemental et social, des ressources de biomasse, ce qui aura permis la satisfaction de ses objectifs climatiques. Et, en tant que membre d’ISEAL, le SBP sera conforme aux meilleures pratiques fixées par les principales normes de durabilité.
Existe-t-il des projets d’expansion du SBP pour englober également les déchets agricoles ou d’autres types de biomasse non forestière ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi ?
Carsten : L'un de nos groupes de travail thématique est en train d’envisager de nouveaux types de matières premières ; nous attendons ses recommandations.
Il existe actuellement plusieurs programmes de certification forestière, comme le Forest Stewardship Council™ (FSC™). Pourquoi l’existence du SBP est-elle également nécessaire ?
Carsten : Le SBP reconnaît pleinement la crédibilité des programmes de certification forestière existants qui sont bien établis, comme le Forest Stewardship Council (FSC) et le programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC), et ne cherche en aucun cas à entrer en compétition avec eux ou à les imiter. Cependant, l'intérêt de ces certifications pour certaines sources d’approvisionnement en matières premières clés est limité, car leurs critères sont restreints par rapport aux exigences réglementaires auxquelles les utilisateurs de biomasse forestière sont confrontés pour la production énergétique. C’est le cas des exigences concernant la comptabilisation des émissions de carbone, facilitée au contraire par le Système de transfert de données du SBP.
Le SBP a apporté plusieurs améliorations à son système de transfert de données pour surveiller les transactions relatives à la biomasse forestière tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Pourquoi ce système est-il si important pour le SBP ?
Carsten : Ce qui rend le système de transfert de données du SBP unique, c’est sa capacité à surveiller les transactions relatives à la biomasse forestière tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Nous et nos partenaires avons une visibilité totale sur toute la biomasse produite et vendue sous le label SBP. Cette visibilité est nécessaire pour offrir aux utilisateurs de biomasse des données exactes et vérifiées sur l’énergie et le carbone, afin de leur permettre de calculer les émissions de gaz à effet de serre conformément aux méthodes de comptabilisation carbone approuvées par les autorités réglementaires concernées.
Comment le système de transfert de données du SBP a-t-il été accepté par les détenteurs de certificat ? Y a-t-il eu une forme de résistance ou des inquiétudes à propos de ce système ?
Carsten : Ce système a été largement bien accueilli par les détenteurs de certificat, les organismes certificateurs et notre organe d’accréditation. Les retours des utilisateurs ont été très positifs ; les avantages clés cités sont la transparence que le système offre, la transmission de données vérifiées et la facilitation des audits sur la chaîne de contrôle.
Le SBP est considéré comme un programme qui fournit principalement de la biomasse au marché de l’Europe du nord. Avez-vous des projets ou des stratégies pour accéder à de nouveaux marchés ?
Carsten : Nous avons clairement la possibilité de nous développer dans de nouvelles zones géographiques et nous l’avons envisagé dans le cadre de notre révision stratégique. Tout le monde sait que nous considérons depuis un moment l’Asie comme une potentielle nouvelle juridiction où démontrer la conformité réglementaire des entreprises.
Nous avons déjà un premier détenteur de certificat au Japon, un commerçant, et plusieurs détenteurs de certificat potentiels en Asie du sud-est. Comme on peut s’en douter, cette expansion dépendra de la demande.
Le SBP est fier de sa flexibilité et de sa capacité d’adaptation à de nouveaux marchés en pleine évolution. En outre, nous considérons le SBP comme une norme « en libre-service » pour les marchés n’ont pas encore mis en œuvre de critère ou d’exigences de durabilité.
Le SBP et l’utilisation de la biomasse ont été lourdement critiqués, en particulier par des ONG du sud-est des États-Unis. Le SBP a-t-il pris des mesures pour répondre à ces critiques ? Pouvez-vous nous parler de certaines des mesures mises en place jusqu’ici ?
Carsten : L’utilisation de la biomasse comme énergie a provoqué de nombreux débats au fil des années. La Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont été pionniers dans le développement de critères de durabilité pour la biomasse solide et, plus récemment, des exigences ont été adoptées au niveau de l’UE.
Le SBP est un système de certification qui permet aux utilisateurs de démontrer leur conformité avec les diverses définitions de la légalité et de la durabilité. Le SBP ne définit pas lui-même la légalité et la durabilité mais utilise les définitions fixées par les autorités réglementaires compétentes.
Notre programme a été injustement critiqué pour le manque d’indépendance de ses audits et de ses vérifications. L’indépendance de la prise de décision a toujours été au cœur des processus et des procédures du SBP et elle s’est renforcée au fil des années, avec l’introduction d'une accréditation externe et la mise en place plus récente d'une gouvernance multipartite.
Le SBP a convoqué un groupe de travail chargé d’élaborer des recommandations pour aider les producteurs de biomasse à respecter les exigences du SBP relatives aux hautes valeurs de conservation concernant les matières premières de biomasse dans le sud-est des États-Unis.
Les conseils du groupe de travail ont entraîné la publication du document « Meeting SBP criteria in relation to protecting exceptional conservation values in the South East USA » en mars 2018. Ce document fournit des conseils sur l’identification de valeurs et de lieux exceptionnels et sur les meilleures pratiques à adopter pour les protéger.
Comment décririez-vous le rôle du SBP dans les marchés actuels et futurs, à mesure que davantage de pays entrent dans une transition vers une économie à faible émission de carbone ?
Carsten : Le SBP est là pour promouvoir des pratiques responsables tout au long de la chaîne d'approvisionnement de la biomasse forestière. Il est unique parmi les systèmes de certification, car il facilite la collecte et la vérification de données sur l’énergie et le carbone, depuis l’origine des matières premières jusqu’à l’utilisateur final. Ces données peuvent être utilisées par les détenteurs de certificat pour calculer les émissions de carbone grâce à des méthodes de comptabilisation spécifiques.
Nous pensons que cette visibilité de la chaîne d'approvisionnement influencera les décideurs et les utilisateurs de biomasse dans d’autres zones géographiques et les incitera à considérer le SBP comme la référence en matière de biomasse et de production d’énergie.
Si les gouvernements nationaux continuent à reconnaître la contribution que la biomasse peut apporter à la transition vers une économie à faible émission de carbone, une place sera faite au SBP, car il est capable d’assurer et de vérifier cette contribution.
Avant de rejoindre le SBP comme directeur exécutif, vous étiez directeur d’un organisme certificateur de forêts. Pouvez-vous expliquer les différences et les nouveaux défis qui apparaissent lorsqu’on passe de la direction d’un organisme certificateur à celle d’un programme de certification ?
Carsten : En tant que responsable d'un programme de certification, les défis sont très différents. Les parties prenantes de ce genre de programmes sont diverses et variées, chacune a ses propres objectifs qui sont tous aussi valables les uns que les autres.
Il y a une dimension plus politique à gérer, qui, dans le cas du SBP, implique de traduire des législations et des réglementations en processus et procédures pratiques et réalisables, adaptés non seulement aux acteurs de la chaîne d'approvisionnement mais aussi aux tierces parties qui pratiquent des vérifications.
Le modèle économique qui régit la gouvernance, la stratégie, le budget, la gestion quotidienne, etc. des organisations de normalisation et des programmes de certification diffère profondément de celui des organismes certificateurs. Néanmoins, grâce aux bonnes pratiques, les deux types d'organisations dépendent l’un de l’autre pour proposer un système d’assurance indépendant et crédible comme celui établi par le SBP.
Ayant dirigé un organisme certificateur, je suis très conscient des défis auxquels ce genre d’organisme est confronté et j’utilise ces connaissances et cette expérience pour gérer au mieux la relation avec nos organismes certificateurs accrédités. Les organismes certificateurs sont les premiers sur le terrain quand il s’agit de contrôler la conformité d'une entreprise avec le SBP. À ce titre, ils peuvent avoir un impact sur la réputation du SBP et sur la visibilité des parties prenantes. Il est indispensable de garantir la qualité de tous les organismes certificateurs accrédités par le SBP.
Grâce à ma collaboration avec des organisations comme le FSC ou PEFC et du fait des audits que j’ai effectués dans le monde entier conformément à ces normes pendant plusieurs années, j’ai acquis une riche expérience et appris de précieuses leçons. Je cherche à réinvestir ce savoir pour développer le SBP.