Preferred by Nature a organisé récemment une formation sur la restauration des écosystèmes et les initiatives de stockage de carbone dans l’époustouflant bassin de Maliau, à Sabah en Malaisie. Une des participantes nous raconte cette expérience passionnante.
La restauration des écosystèmes est devenue une solution incontournable pour limiter les dégradations et les menaces qui pèsent sur l’environnement, le changement climatique en premier lieu. Les activités humaines telles que la déforestation, la pollution industrielle, la surexploitation des ressources et l’urbanisation exercent une pression énorme sur les écosystèmes.
2021-2030 a été déclaré Décennie pour la restauration des écosystèmes par les Nations unies. La plus grande organisation internationale a lancé en effet une initiative mondiale visant à intégrer les sujets écosystémiques aux plans de formation officiels, soulignant le rôle joué par l’éducation pour parvenir à restaurer les écosystèmes dégradés de la planète.
Restauration des écosystèmes et initiatives carbone : un cours pratique dans la forêt pluviale de Bornéo
Encouragée par le succès de la première formation sur le sujet qui s’est tenue en Roumanie en octobre dernier, Preferred by Nature a organisé en mai 2023 un cours à Bornéo associant la théorie à la pratique.
Cette formation de cinq jours dans « le monde perdu de Sabah » a permis aux stagiaires de s’immerger pleinement dans l’univers de la restauration des écosystèmes. J’ai eu le privilège de participer à ce cours en tant que membre de l’équipe Communication de Preferred by Nature afin d’en livrer le récit.
Jour 0 :
C’est un groupe enthousiaste, issu de parcours et régions diverses, qui a pris part à cette formation. Il représentait des organisations respectées, telles que Proforest, Sime Darby Property Berhad, Indika Nature, Union for Ethical BioTrade (UEBT) et Yayasan Sabah Group, implantées en Malaisie, en France, en Chine, en Indonésie, en Thaïlande, au Danemark et au Vietnam.
L’équipe organisatrice nous a accueilli·es[U1] à l’aéroport de Tawau pour nous conduire au bassin de Maliau en cinq heures. Cette vaste étendue de 58 840 hectares est réputée pour son terrain accidenté qui alterne entre vallées profondes, escarpements abrupts et forêts pluviales denses. Ce bassin de biodiversité abrite de très nombreuses espèces végétales et animales.
Le terme « bassin » fait référence à une formation géologique spécifique qui a donné naissance à un immense bassin versant, drainé par une seule rivière, la rivière Maliau, dans laquelle aboutissent toutes les sources et cours d’eau. L’eau poursuit ensuite sa route dans la rivière Kuamut pour aboutir dans la rivière Kinabatangan. Cela met en lumière le rôle prépondérant de ce bassin hydrologique.
Cette dépression circulaire entourée de falaises abruptes ressemble à un amphithéâtre naturel. Elle aurait été formée par l’effondrement d’un volcan il y des millions d’années. Ces falaises constituent une barrière naturelle qui isole le bassin et protège son exceptionnelle vitalité écologique.
Souvent décrit comme un laboratoire naturel, le bassin de Maliau est relativement préservé des activités humaines, constituant par conséquent un véritable sanctuaire pour la recherche scientifique et les initiatives de conservation.
Après cinq heures de route cahoteuse au milieu de paysages luxuriants et quelques aperçus de la richesse faunistique, comme l’éléphant de Bornéo, nous avons atteint la zone de conservation du bassin de Maliau (MBCA). Alors que je m’attendais à un hébergement plutôt rustique, j’ai été agréablement surprise de constater que le centre disposait des installations essentielles, telles que l’eau potable courante ou l’électricité et de chambres confortables.
Dans la soirée, nous avons dégusté de délicieuses spécialités locales. Puis, Robinson Rozali Rustin, le directeur de la MBCA, nous a souhaité la bienvenue et donné quelques instructions sur les règles à respecter dans la zone de conservation.
Jour 1 :
Nous avons commencé la journée dès l’aube avec une séance d’observation des oiseaux, autour du centre d’étude, menée par des rangers de la MBCA. Ce fut une expérience enrichissante qui nous a permis d’explorer les alentours tout en identifiant des espèces rares et menacées, telles que le calao à casque rond ou les eurylaimes.
Nous avons ensuite rejoint la salle de conférence pour le lancement officiel de la formation. Le formateur, Mateo Cariño Fraisse, et la co-formatrice, Malory Weston, ainsi que Nicholas Fong et Hue Su Wah, formateur et formatrice en formation, nous ont présenté le cours. Puis trois groupes de travail ont été constitués pour les exercices pratiques.
Au cours de la première session, Malory Weston nous a dispensé les fondamentaux des projets de vérification. Nous avons étudié les principaux aspects à prendre en considération, accumulé des connaissances et compris les protocoles indispensables pour mener des audits.
D’autres présentations ont suivi sur la restauration des écosystèmes, les solutions fondées sur la nature, les concepts clés de l’utilisation des terres et les calculs des émissions de GES, dans le cadre des initiatives à faible intensité carbone, ainsi qu’une vue d’ensemble du norme pour la restauration des écosystèmes de Preferred by Nature.
Nous avons également examiné les considérations sociales des projets de restauration des écosystèmes. Sous la houlette de Mateo Cariño Fraisse, nous avons découvert différents concepts sous-jacents telles que les relations de pouvoir, la gouvernance, le consentement libre, informé et préalable (CLIP) et les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Il a souligné que la réussite de tels projets reposait en grande partie sur les connaissances traditionnelles des communautés locales et des peuples autochtones.
En fin de journée, la tête bien remplie de ces précieux apprentissages, nous avons embarqué à bord d’un véhicule tout terrain à ciel ouvert pour explorer la faune nocturne. Au milieu des lucioles et sous un ciel parsemé d’étoiles, nous avons eu la chance de repérer un chat-léopard, une civette-loutre de Sumatra et un sambar.
Jour 2 :
Le début de la journée a été consacré à un exercice sur le terrain, consistant à évaluer le potentiel carbone du bassin Maliau Basin. Cette fois-ci, la formation s’est déroulée sur le terrain de camping du centre. Mettant en application les leçons apprises la veille, nous avons exploré différentes parties de l’aire du bassin de Maliau, à savoir des forêts primaires, des forêts secondaires et des prairies dont nous avons évalué la capacité de stockage de carbone.
La forêt primaire est constituée d’arbres immenses qui peuvent atteindre dix mètres de haut. Dans le cadre de l’exercice, nous avons dû grimper dans la canopée, la partie la plus élevée des arbres.
Des passerelles en bois de Belian connu pour son extrême dureté relient les arbres entre eux. Elles nous ont permis de circuler dans la canopée et de bénéficier d’un poste d’observation privilégié. Circuler à cette hauteur au-dessus des arbres était émotionnellement éprouvant mais l’expérience s’est avérée vraiment enrichissante. L’air y était frais et nous disposions d’un panorama imprenable sur cette fascinante canopée. Pour nombre d’entre nous, c’était la première fois que nous avions l’occasion de mesurer des arbres et de calculer leur capacité de stockage de carbone selon leur diamètre à hauteur de poitrine (DHP) et leur hauteur. C’était Hue Su Wah qui était en charge de cet exercice, soutenue par ses collègues qui nous prodiguaient leurs conseils d’en bas, nous expliquant le processus en fonction des besoins.
Dans l’après-midi nous avons rejoint la salle de conférence pour une étude de cas sur un projet de restauration écosystémique, mené par une communauté en Bolivie.
Jour 3 :
La journée a démarré avec de nouvelles études de cas de restauration des écosystèmes. La diversité des approches depuis les savanes au Kenya jusqu’aux mangroves à Madagascar.
Dans l’après-midi, nous avons rejoint INIKEA, un projet de restauration des écosystèmes, financé par IKEA et la fondation Sabah qui a démarré il y a 25 ans. Nous nous sommes réparti·es dans des véhicules tout terrain et avons rejoint le site de Luasong à deux heures de route.
À notre arrivée à Luasong Resthouse, notre hébergement pour la nuit, le personnel nous a réservé un accueil chaleureux et lu le message de bienvenue de M. Royston Fahd Ajin, un des responsables du projet INIKEA, avant de récapituler les objectifs et l’évolution du projet.
Notre nouvelle tâche a consisté à analyser le plan opérationnel d’INIKEA et préparer les visites de terrain et les sessions d’entretien prévues le lendemain. Mateo Cariño Fraisse nous a précisé qu’il s’agira d’un audit blanc complet, au cours duquel nous devrons appliquer le standard de restauration des écosystèmes de Preferred by Nature et tirer parti des connaissances acquises les jours précédant pour mener à bien les différentes étapes.
Jour 4 :
Notre journée a commencé très tôt, malgré la veille tardive de certains et certaines pour finir de préparer les activités du jour. Nous avons néanmoins dû regagner nos chambres avant 23 heures, heure à laquelle le générateur est éteint pour la nuit.
La séance inaugurale de l’audit s’est tenue dans le bureau de la direction d’INIKEA à Luasong. Chaque groupe de travail avait élu un ou une responsable qui menait cette première réunion pendant que les autres observaient. L’équipe de direction s’exprimait plus aisément en malais, et les propos étaient interprétés par les chefs et cheffes d’équipe pour s’assurer que tout le monde comprenait l’intégralité des échanges.
Nous avons ensuite visité la pépinière afin de nous entretenir avec les salarié·es, connaître leurs conditions de travail, les mesures de sécurité en place et leur niveau de satisfaction. C’était pour nous l’occasion d’échanger avec la communauté locale et d’obtenir des informations de première main. Nous avons aussi visité les terrains de camping où ce personnel est hébergé et les sites sur lesquels le travail de restauration a été mis en œuvre. Nous avons pris des notes tout au long de ce processus afin d’en produire un rapport détaillé.
Nous avons dégusté un panier repas dans la forêt au bord d’un cours d’eau, un délicieux nasi lemak, plat traditionnel malais. Nous avons ensuite traversé pieds nus cette rivière pour observer une nouvelle parcelle dédiée à la plantation d’arbres.
Nous avons quitté le site du projet forestier d’INIKEA tandis que le ciel se chargeait de nuages pour rentrer à la MBCA.
Jour 5 :
Le dernier jour, les équipes se sont réunies dans le réfectoire plus tôt que d’habitude, afin de restituer les résultats de l’audit réalisé la veille. Chaque responsable devait présenter les conclusions de l’équipe lors d’une réunion de clôture.
En écoutant ces présentations, nous avons constaté des écarts inattendus par rapport à nos prévisions. La capacité d’adaptation et la fermeté sont des facteurs de divergence majeurs. Nicholas Fong a conclu cette session de formation en nous présentant la méthode High Carbon Stocks Approach. S’appuyant sur son expérience dans ce domaine, il nous a donné un aperçu détaillé de ces outils et expliqué comment la MBCA, ou d’autres projets/sites dédiés à la restauration des écosystèmes s’en saisissent.
Nous avons ensuite passé un examen évaluant nos acquis au cours des cinq jours de formation.
Au coucher du soleil, une dernière assemblée s’est tenue dans le réfectoire. Ce fut une soirée festive mémorable. Si nous nous réjouissions que l’examen soit derrière nous, ces moments d’adieu restaient cependant un peu doux-amers.
Le lendemain, juste avant de repartir pour l’aéroport de Tawau, nous avons participé à une petite activité de plantation à la MBCA. Une fin de formation appropriée puisqu’elle nous a permis d’appliquer certaines des techniques que nous avions apprises et que ces plantations ont un impact concret sur l’aire de conservation. Cette action de plantation, qui portera notre nom, symbolise notre engagement à améliorer la situation de manière durable.
Globalement, les cinq jours de formation dans le bassin de Maliau et la visite du projet INIKEA nous ont fourni un éclairage précieux et une expérience de terrain dans les domaines de la restauration des écosystèmes et des initiatives de stockage de carbone. Grâce à l’exploration de différents écosystèmes, la réalisation d’audits et d’entretiens, nous avons compris comment la restauration des écosystèmes peut répondre aux enjeux climatiques, les défis qu’elle pose et les opportunités qu’elle offre, et le rôle des organisations dans la promotion des pratiques durables.
Grace Pounsin, une participante de la MBCA, a eu cette remarque à propos de la formation : « Grâce à ce cours je me suis rendu compte que la restauration ne consistait pas juste à planter des arbres et basta. J’ai aussi beaucoup apprécié le fait que le travail s’accompagne de moments ludiques. Nous avons appris en nous amusant, au cours d’un voyage formidable que je n’oublierai jamais dans le monde perdu de Sabah et à INIKEA ».
Tandis que Nadthanan Junpratug (Dom), venu de Thaïlande, a expliqué : « Un des aspects les plus importants de ce cours c’était de comprendre le rôle crucial des initiatives carbone pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons découvert des solutions innovantes pour séquestrer le carbone et appris que restaurer des écosystèmes contribue à atténuer les effets des émissions de gaz à effet de serre. Se rendre compte sur le terrain de l’impact positif que ces initiatives peuvent avoir sur l’environnement et les communautés locales était vraiment motivant ».
En quittant la MBCA et sa charmante équipe, nous emportons avec nous des connaissances bien sûr, mais aussi un regain d’enthousiasme pour continuer de contribuer à la restauration et la préservation des écosystèmes dans le monde entier.
Article et photos de Samentha James / Preferred by Nature
Avertissement : Cet article a été écrit par un membre de l’équipe Communication de Preferred by Nature et retrace son expérience de la formation dans le bassin de Maliau et les observations qu’elle lui a inspirées. Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que son autrice et ne sont pas nécessairement celles de Preferred by Nature.
La dégradation des écosystèmes a eu des conséquences considérables sur la biodiversité, la santé humaine et le bien-être économique. 75 % des régions terrestres de la planète ont subi d’importantes dégradations. Mais nous savons qu’il y a des raisons d’espérer. La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030 est l’occasion de revitaliser le monde naturel dont nous dépendons toutes et tous. Preferred by Nature est fière de faire partie des acteurs de cette initiative.
Pour plus d'informations, consultez le site Preferred by Nature's: