Des techniques d’évaluation scientifiques pour identifier les variétés et l’origine géographique des marchandises peuvent constituer un moyen efficace pour contribuer à stopper la déforestation, lutter contre la récolte et le commerce illicites et par conséquent atténuer les effets négatifs sur le climat.
Le nouveau règlement sur la déforestation de l’Union européenne (EUDR) vise à juguler la consommation de produits issus de chaînes d’approvisionnement liées à la déforestation ou à la dégradation des forêts.
Le règlement s’applique à sept produits de base que sont le bois, les bovins, le cacao, l’huile de palme, le soja et le caoutchouc, ainsi que les produits dérivés, tels que le chocolat, le cuir, le charbon, le mobilier, le papier et plusieurs produits chimiques issus de l’huile de palme. Ces marchandises et produits sont considérés par l’UE comme fortement associés à la déforestation et à la perte de biodiversité dans le monde.
Une des exigences majeures du nouveau règlement impose aux opérateurs (en général des entreprises basées en Europe qui importent dans l’UE ou exportent hors de l’UE ces marchandises ou produits) de fournir les coordonnées géographiques de l’origine des produits ainsi que la date et l’heure de la récolte ou de la production, de tout produit concerné placé sur les marchés de l’UE.
Étant donné la complexité de la plupart des chaînes d’approvisionnement, il est parfois difficile de déterminer l’origine des produits ou, dans le cas du bois, d’obtenir des informations précises sur les essences récoltées. Des mécanismes de traçage insuffisants et des supports papier traditionnels sont souvent à l’origine d’erreurs d’identification, voire de transferts d’information frauduleux, concernant la variété et l’origine des produits. Ces faiblesses compromettent la capacité des organisations à définir les risques, identifier les non-conformités légales potentielles ou évaluer si un produit est lié à la déforestation ou à la dégradation des forêts.
Tests scientifiques et produits du bois
Les tests scientifiques peuvent aider les entreprises à en savoir plus sur l’origine des marchandises présentant des risques pour les forêts. Dans le cas du bois par exemple, les opérateurs utilisent des techniques d’évaluation scientifiques pour vérifier à la fois l’origine et l’espèce.
« Concernant le bois, les techniques d’évaluation scientifiques jouent un rôle important car elles aident les opérateurs de deux manières différentes. La première en leur permettant de déterminer le genre et l’essence du bois contenu dans les produits. La seconde en vérifiant la déclaration d’origine de la récolte fournie par un fournisseur ou un sous-traitant du fournisseur » explique David Hadley, directeur du programme Impact réglementaire de Preferred by Nature.
Données de référence
Ces évaluations scientifiques dépendent de la disponibilité des données de référence associées qui servent à tester les échantillons. World Forest ID, une organisation non gouvernementale basée aux États-Unis, travaille à la création d’une bibliothèque exhaustive de références géolocalisées relatives au bois et à d’autres produits à risque forestier. En janvier 2023, l’organisation avait déjà collecté plus de 22 000 échantillons concernant 167 espèces dans 31 pays.
Pour mieux comprendre l’utilisation des bases de données de référence et des techniques d’évaluation scientifique, nous avons échangé avec Victor Deklerck, directeur de recherche pour le programme de World Forest ID aux Jardins botaniques royaux de Kew, un des principaux partenaires de l’ONG.
L’expertise de Victor couvre les techniques de vérification des essences de bois et de leur origine, l’analyse des données, la science du bois et la foresterie. Il dirige l’équipe de recherche de World Forest ID qui évalue les nouvelles techniques d’investigation, optimise et combine les techniques existantes par le biais de l’intelligence artificielle (IA). Notre discussion s’est concentrée sur les techniques concernant le bois, même si certaines d’entre elles peuvent aussi être appliquées à d’autres produits présentant un risque pour les forêts.
« Une base de données de référence nous permet de tester des produits issus de bois inconnu en fonction d’un ensemble de données existant, afin de vérifier les déclarations relatives à l’espèce et à l’origine du bois », explique Victor Deklerck.
Si un ensemble de données est disponible, nous pouvons obtenir des résultats rapidement. Nous pouvons les comparer et réunir les informations dont nous avons besoin. Si on manque de données sur certaines espèces ou zones de provenance, il sera difficile d’effectuer ces comparaisons et de trouver les informations nécessaires », poursuit-il.
Les tests scientifiques constituent un outil qui permet de vérifier, tout au moins valider, les déclarations effectuées par les fournisseurs sur l’origine et l’essence du bois contenu dans un produit, en fonction d’un ensemble de données de référence.
Par exemple, « si la déclaration signale qu’un produit provient de Finlande mais que nous ne disposons d’aucune donnée de référence venant de Finlande, il sera difficile de savoir si telle est bien la provenance du produit. Il en va de même pour d’autres essences de bois. Si un produit est déclaré comme étant issu du chêne rouge mais que nous ne disposons d’aucune donnée sur le chêne rouge, nous ne serons pas en mesure d’effectuer les comparaisons nécessaires. Les données de référence sont donc cruciales » affirme-t-il.
« Nous avons besoin de nouveaux centres d’évaluation et laboratoires d’analyse équipés d’installations appropriées et également d’investissements pour être en capacité de recourir à de multiples techniques scientifiques et automatisées », conclut Victor Deklerck.
Méthodes d’analyse du bois
Plusieurs techniques sont actuellement disponibles en particulier les suivantes :
Analyse de l’anatomie du bois pour l’identification des espèces. Cette technique s’appuie sur les différentes caractéristiques anatomiques du bois pour identifier le genre et, dans certains cas, l’espèce.
Elle a l’avantage d’être abordable et rapide à effectuer. D’autre part, elle permet de fournir des indications générales sur le groupe des espèces concernées.
Également basée sur l’anatomie, la deuxième technique s’appuie sur la reconnaissance des motifs. L’intelligence artificielle compare les photos de la surface anatomique du bois à celles disponibles dans des bases de données.
La technique suivante est l’analyse de l’ADN. Les codes-barres ADN peuvent permettre d’identifier les espèces et l’empreinte génétique, la génétique des populations et la phylogéographie peuvent servir à déterminer l’origine du bois.
- Ce type d’analyse a l’avantage de pouvoir déterminer aussi bien l’espèce que l’origine du bois, même si les deux approches sont différentes.
- L’inconvénient est la dégradation rapide après traitement de l’ADN et par conséquent la difficulté parfois de disposer d’un ADN viable. Cependant, le problème s’atténue à mesure que la technologie se perfectionne.
L’analyse des isotopes stables (SIRA) est une autre des techniques permettant de vérifier l’origine du bois. Elle se base sur la variation de la proportion d’isotopes stables dans certains éléments des tissus ligneux, en fonction notamment de la situation géographique, des conditions climatiques et du fractionnement métabolique.
- Cette technique est efficace pour vérifier l’origine de la récolte mais ne peut pas être utilisée pour déterminer l’espèce.
- Ses principaux inconvénients sont le coût par test et l’investissement initial pour l’installation de la machine.
Autre technique, la spectrométrie de masse DART-TOF , qui permet d’identifier l’espèce en fonction des métabolites présents dans le bois.
- Cette méthode est ultra-rapide mais l’achat de la machine constitue un frein financier. Cependant, une fois acquise, son coût de fonctionnement est relativement faible. L’un des grands avantages de cette méthode est qu’un petit échantillon (éclat) suffit pour mener l’analyse.
D’autres techniques sont aussi envisageables comme l’analyse des éléments-traces qui consiste à repérer des éléments-traces d’un organisme présent dans le sol par exemple.
Défis et espoirs
Le manque de disponibilité de bases de données de référence, la capacité limitée des centres de test publics et privés, ainsi que le faible nombre d’institutions et de laboratoires capables d’administrer ces techniques au quotidien, font partie des obstacles à la généralisation de ces techniques de test.
Vérifier l’identité et l’origine d’un produit avant son expédition exige de renforcer les compétences et les connaissances localement dans les pays d’exportation, pas uniquement en Europe et aux États-Unis mais aussi en Afrique, Amérique latine et Asie-Pacifique.
Plus la chaîne d’approvisionnement est courte, plus son traçage est aisé et plus les erreurs d’identification et les déclarations d’origine frauduleuses sont facilement repérables. Par conséquent, nous espérons qu’à l’avenir nous aurons les moyens de réaliser ces tests à l’échelle mondiale afin de garantir la transparence et la fiabilité des chaînes d’approvisionnement du bois, déclare Victor.
Nous organisons un webinaire sur les méthodes de test scientifiques pour aider les entreprises à se conformer à la règlementation telle que le règlement sur la déforestation de l’UE du 28 avril 2023. Pour vous inscrire à ce webinaire gratuit, cliquer ici.
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